vendredi 19 avril 2024
et ce paysage
et ce paysage est un concours de morts qui admet la vie
et qui l’étaye
la cépée écartelée du coudrier
la ramure passible d’un frêne pour l’ascension de lierre
qui perd gagne, et c’est l’éloge de la ruine
pour le socle solidaire, pour l’échelle infaillible :
rien n’achève jamais la chose achevée
(sauf peut-être mon œil épris de rationalité soudaine :
éclaircir pour relever ce muret)
la chose que je vois en championne toutes catégories de l’économie,
avec l’exaltation que cette art requiert
paysage vertical, monde profus, recomposé,
déjà ma phrase à vau-l’eau sur cet entrelacs éblouissant,
contre-jour
aveuglant de réalisme
jeudi 18 avril 2024
ma propre chair l’éprouve.
ma propre chair l’éprouve. Ma chair
en réponse, œil pour œil, pour évaluer
cette profondeur aggravée
(malgré ma difficulté à accommoder)
surtout qu’un automne s’est plu a glorifier la mort.
Là, il fait la roue, cet œil vulnérable
tout autour et au cœur de cette parade printanière
où ne reprend que ce qui l’entend
où ce qui est mort est là, pour autre chose,
entrelacs mystérieux d’utilités et d’usages,
avec un vieux seau et un ballon pour couronner
rentre dans mon paysage dit la haie
mardi 16 avril 2024
ce débordement par le haut
ce débordement par le haut
à tous les registres, bientôt indépassable,
que je devrai moi aussi tailler, yeux qui ne demandent qu’à voir,
gemmes miraculeuses, diaphanes dans le rai clair,
qui perlent à chaque embranchement
lundi 15 avril 2024
vers le coudrier
vers le coudrier qui redoutait le vent (ici aussi c’est
l’esprit de la vie qui taille dans la vie, ici aussi)
de plein fouet j’y vais, cinglée,
car de toute part la haie cerne le monde
et exulte (et m’exhausse, moi qui suis maladivement soumise à la terre)
dimanche 14 avril 2024
Je suis là.
Je suis là. J’avance vers le camérisier.
Une infime chose, puis une plus insignifiante encore
(l’humble perpétuation de son intensité vernale -
le si fin dessin de ses jeunes feuilles, la modicité
du feuillage mais d’intense clarté -)
samedi 13 avril 2024
Allez ! De viorne lantane en troène de Chine
Allez ! De viorne lantane en troène de Chine
(de Charybde en Scylla)
fuis la beauté pure,
ses minuscules fruits épinglent là
tes doutes, toi, tes questions purement questions !
vendredi 12 avril 2024
J’approche de la mancienne
J’approche de la mancienne, maussane,
pour ses cordons (pour mes fagots)
la fleur de lait caille déjà au centre
d’un déploiement de feuilles gaufrées.
Fuis en raison du parfum la viorne lantane !
jeudi 11 avril 2024
sur le motif
sur le motif
sur ces lieux de lumière, je viens
alors que supervisant la haie
il conduit de main de maître (bientôt maître
de l’ombre) l’avancée printanière.
mercredi 10 avril 2024
comme en visitant la haie
comme en visitant la haie,
on relève les manques
on s’étonne des nouveautés
on devra questionner le fusain
comment vont tes hyponomeutes ? et de l’érable champêtre
scruter le haut lignage
(toi cocher qui tient la haie au cordeau
diligent aurige, maître
à la parade, de main de maître)
et où vas-tu ?
mardi 9 avril 2024
Printemps :
Printemps :
non non
le monde ne s’exilera pas du monde
(c’est seulement l’humain, lequel quelquefois…)
mais voilà l’illusion nous fait dire : rien n’est perdu,
alors qu’on le sait bien, c’est plutôt : tout n’est pas perdu qui s’avère l’expression
adéquate (nous nous rendrons bientôt compte du retentissement
par le vide,
ce pur scandale,
de tout ce qui n’a pas repris)
lundi 8 avril 2024
Attends attends attends
Attends attends attends
comme le rat dans l’âme
enroulée sur toi-même
que la fumée te porte dans une autre réalité ?
À coté une haie frémit qui est bien vivante.
dimanche 7 avril 2024
J’endosse la nuit
J’endosse la nuit, là, devant ce feu
il est 20 heures en mars
un trop vaste pardessus d’où mon transi
discerne de menues connivences entre les flammes.
Bien sûr ce feu est un lieu intense
- pas un sujet -
(et moi qui l’ai initialement allumé je suis l’accident,
la contingence (au mieux l’agent de liaison)
dans la nuit confondue en ce lieu -
rien moins que radicale -
ou bien étant la racine divertie
détournée de sa fin
j’incendie, j’affabule, je diverge)
qui a le pouvoir de mener à un autre lieu
de transfigurer le geste
mais l’expérience demeure incomplète
- infléchies les intentions
déviée la sensation -
(le procès suit la combustion des aromates et des sarments
se tortille avec eux et s’effondre en brasillant)
(c’est là la progression de mon histoire)
emportant tout le ressentiment
mais pas jusqu’à l’affliction.
samedi 6 avril 2024
alors je cède à la tentation de la chaleur
alors je cède à la tentation de la chaleur et je rêve.
Je tends les mains. Affres de tisons et d’épines, tandis
que le dos tourné vit l’autre effroi.
Tandis que toute la nuit vient se regrouper là,
il arme sa courbure - ô combien,
combien porteuse -
et lui fait une monture consentie.
vendredi 5 avril 2024
car le feu est feu
car le feu est feu et n’a pas besoin de mon ardeur
- ma présence quémandant son motif comme gage d’authenticité -
pour brûler
et, à la rigueur, je devrais pouvoir me passer
de la réflexion - sans parler de la rétrospection -.
Car je choisis de me faire face en veillant ce feu
sentinelle de moi-même avisée
ou plutôt non
démunie
(puisque me manque toujours le fondement animal)
puis la flamme attisée relance - ce tétraèdre dont
rien ne manque -
alors je vois que le feu a sa fin dans la flamme
comme l’expérience dans la formule
jeudi 4 avril 2024
C’est que l’incendiaire que je suis
C’est que l’incendiaire que je suis
n’est ni tout à fait réfléchie
ni assez hardie : téméraire, non,
insouciante ?
Responsable. Je réponds de ce brasier
comme de la pensée
j’ai le feu au bout des mains : valide
ton feu de toujours
(mais n’en fais pas trop)
n’en remontre pas, gare à l’emphatique
flamme, voici
(voici comment je me parlai)
mercredi 3 avril 2024
thyms, marjolaines et sarriettes
thyms, marjolaines et sarriettes brasillent et elle rougeoie
tout un maquis dégueule
la lave incandescente jusqu’au noir profond
dévale la pente
optique à peine régulée par ma fourche
(ma vigile attentive qui resserre la focale)
mardi 2 avril 2024
Feu d’herbes
Feu d’herbes
(des foulées d’aromates à pied comptés)
ce sont les thyms, marjolaines - temps, tempos, en moult versions d’offrandes
et bouquets de l’antique absente -
que nous brûlons maintenant
que je regarde ainsi boursoufler la nuit
lundi 1 avril 2024
c'est pour mon feu, cet autre fanal
c'est pour mon feu, cet autre fanal
que je rallume
tant s’amassent (et temps passe)
trament le récit de l’histoire
les liens trouvés
en cherchant l’animal qui manquait au foyer
soit qu’il faillît
(je faux avec lui, et avec le jour, jusqu’à la nuit,
encore et encore)
soit qu’il pérît.
dimanche 31 mars 2024
(je désapprends son nom de chiendent rampant
(je désapprends son nom de chiendent rampant
trop domestique, trop bon
qui ne dit pas son inclémence)
je traque sa mesure, son inflexible assiduité
c’est pour mon feu, cet autre fanal
samedi 30 mars 2024
soutien de terre et soutien de rêve
soutien de terre et soutien de rêve
et je noue (je renoue) avec le geste
je relie le geste et l’action
j’observe le chiendent tisser son territoire
mon domaine est sous-tendu comme le sien
d’actions simples,
exactement inverses
je remonte ses rhizomes de nœud en nœud : la souche traçante
qui agglutine la terre
conduit aux rudes feuilles
linéaires toujours vertes
(aux ombres mesurées je le trouve
en dur gnomon, en monstre flagellateur,
en tremblement de fanion)
le ralliement en est certes facilité
vendredi 29 mars 2024
Chiendent petit rampant
Chiendent petit rampant
(ta figure topologique)
comment ton armure est-elle passée
de la terre à mon rêve ?
Nouage
(en sous-main) tient
comme les fers le béton d’une terrasse
jeudi 28 mars 2024
Connecte tes quêtes
Connecte tes quêtes (toutes tes quêtes),
force ta vision (je m’ordonne)
une fourche trident à la main pour recentrer la flamme
l’œil et le mufle jouent ensemble au bout du champ de mon rêve
juste dans ma paume
juste devant moi
lequel appellerai-je, lequel attendrai-je dorénavant ?
mercredi 27 mars 2024
À l’échelle de ce rat
Était-ce un tertre, une fortification ?
À l’échelle de ce rat, oui, ce bûcher
avait ses pentes, sa face nord et noire
d’humidité, sa casemate et son sommet crénelé,
et pour son intrépide curiosité ses soupiraux.
À mon échelle l’épouvantable amas
des coupes et des tailles, des ratissages
de deux ou trois années de prolifération et de fanes,
de génération et de putréfaction
(les racines si blanches du chiendent en surfilage,
un maillage serré de la surface,
à toute épreuve l’herbe à deux bouts quadrille
le foyer, donne l’échelle de l’histoire
que je fais avec le feu, le chat et le rat,
notre cohabitation vue à l’instant dans l’optique de la veduta,
cette fenêtre qui permit aux voyants de ne pas trop s’approcher du monde,
s’y brûler ?
La fenêtre à partir de laquelle l’histoire pourra être considérée ?)
mardi 26 mars 2024
Rien, donc
Rien, donc
obsessivement rien
(que les images).
Cet air seul qui étouffe le poème
(qui se nourrit d’air et suffoque trop aéré)
Rien que la cendre volatile que dévêt
le vent,
un lai mollement se laisse glisser
en vol
relève le cercle d’argile crue
dévoile plusieurs entrées de galeries.
L’œil limpide qui reposait sur moi.