dimanche 17 mars 2024
Ma mémoire amplexicore
Ma mémoire amplexicore
revient
avec ce roux, panser l’absence (mais pas l’amour
jamais atteint)
élaborer le récit de la vie
l’enveloppement par les images
leur intégration au cœur impulsif du désir
- la désolation grandiose et le désarroi magnifique -
impulser
dans l’ampleur des sensations
le Repartir, sans dénier toutefois l’inéluctable faillite,
ni le fatidique, le pesant inaccompli.
samedi 16 mars 2024
Maintenant j’instruis ma perte
Maintenant j’instruis ma perte
je dresse des bilans.
Échaudée, que dis-je, je n’apprends rien,
nulle résolution, l’inventaire général de la situation
est inépuisable, comme la vie,
que ces Heures incoerciblement retournent.
J’attends un chat (un autre encore) à la porte du jardin.
vendredi 15 mars 2024
Si l’arc de ces foulées m’émouvait
Si l’arc de ces foulées m’émouvait,
j’étais comblée par la réponse rapide
l’agile randonnée dans les airs.
L’iris détaché venant de loin dansait.
Des électrons libres
aimantaient ma patience de nyctalope.
Je faisais des calculs à géométrie variables
je scrutais ces élans impétueux
ces révolutions
ces Heures platoniques.
jeudi 14 mars 2024
je parle d’un temps révolu
je parle d’un temps révolu (l’attente
lampe à la main que leurs iris se signalent
aériens
prédécesseurs de leur présence portée.
Avec diligence, mes amours
faisaient de moi dans la nuit une reine aux bras blancs
la nuit d’été alors
je la croyais inaltérable)
un temps de foulées légères
et d’herbes
d’épillets dans les fourrures d’or
d’épis)
mercredi 13 mars 2024
leur iris clair
leur iris clair fleurissait la nuit dilatée
réfléchissant le halo
et le jour comme les onagres ils concentraient
leur vision infléchie
enroulés sur eux-mêmes
(je parle de l’été mémorable où
je les ai attendus tous deux au bord du pré
toutes les nuits
et les voyais accourir à mon signal
mardi 12 mars 2024
(pour l’atout)
(pour l’atout)
leur couleur maîtresse visible partout
revient pour le vaste reverdir,
leur couleur que nous pensions feu
embrasait le printemps comme
maintenant ma pensée embrase la haie
un chat est un feu pensé-je
pour peu que roux
flambe haut
puis leur iris clair ardait la nuit
(que le feu s’éteigne et c’est l’hiver)
lundi 11 mars 2024
car je suis pleine de son image
car je suis pleine de son image
que fidèlement
je cultive, j’entretiens,
je multiplie
lui flambant haut
- enseigne prairiale
(à plusieurs cycles) -
icône chevauchant mémoire d’avril
roux complémentaire
des mais
des juins
des juillets, aoûts,
des mois
des mois
dans le doute
(laissée
pour le compte,
et le mécompte ?)
dimanche 10 mars 2024
Le bourbier de la disparition.
Le bourbier de la disparition.
Le bourbier de l’absence.
D’où sortira herbe
(herbes, vulpins, trèfles blancs, séneçons
oseilles)
d’où
j’entends monter, discrète
sa présence
comme elle s’accorde à mon rêve
samedi 9 mars 2024
Y a-t-il une différence ?
Y a-t-il une différence ?
Cela fait-il une différence ?
La différence est dans l’herbe
quantité discrète
force de poussée innombrable
s’exposant (exponentielle)
au-dessus du bourbier
où piète un merle
(c’est le bourbier de sa disparition)
vendredi 8 mars 2024
(comme à mes yeux cette inconnue
(comme à mes yeux cette inconnue
néviusie (Neviusia alabamensis) n’habite que les livres)
encore que
les cornouillers, déjà
bois punais ou fuselier, sanguine ou sauvage (mâle)
lancent
vibrant bois de lance
(pétales tout étalés ou réfléchis)
la saison des guerres et celle des amours
dans les vibrantes haies
(des hostilités ou des libres veillées)
ou bien les deux ?
Cette haie que peut-être bien
il connaît lui aussi,
non comme la mesure de notre espace, de nos saisons
mais comme son repaire hors temps
tout comme la forêt
frontalière entre le familier et l’étrange
(juste derrière le muret et le pré)
est peut-être son territoire sans direction.
jeudi 7 mars 2024
Jour plus long
Jour plus long
à l’odeur mouillée des fourrés d’ombre,
le soir
qu’il voit peut-être aussi
depuis ces mêmes fourrés (ou d’autres)
où est-il ?
mon espoir est comme une fleur apétale
qui ne s’ouvre pas
encore
que
les étamines voyantes en cymes fleuries
sur un rameau dénudé
cillent imprudemment
mercredi 6 mars 2024
L’esprit vivace
L’esprit vivace revient sur sa perte
réifiée - en l’absence de tout corps pourtant -
je circonscris la sensation :
sus à l’amollissement familier, à la ladresse !
Je contourne l’absence
je dessine une obsession, j’agis, je revis !
cet effort - à neuf
l’effort aiguillonne, réforme l’imagination -
(la réification du manque fait
une raison trébuchante
à la vie :
ne sachant que faire de mes bras atrophiés
j’utilise mes pieds)
En réalité, y a-t-il une vie ? Des formes ?
Autre chose que des pas sonnants sur le sol gelé ?
Une nuit glaciale où quérir un chat
que l’obscurité de la mémoire oblitère
(quand l’ai-je perdu de vue exactement, où et quand ?)
c’est mon esprit perdu que je cherche
mardi 5 mars 2024
Pour quoi faire, pourquoi faire ?
Pour quoi faire, pourquoi faire ?
Pour juguler l’obnubilation
traverser l’obturant résorber l’énigme conjurer
la disparité de mon amour et de mon manque
sa disparition ma perte
ravaler la mort.
lundi 4 mars 2024
Pour quoi faire ?
Pour quoi faire ? Sans prétention
ni de sens ni de fin
et de cause aucune
j’écoute perplexe et désœuvrée
le rythme de la matière
animer le cœur de vie,
(la vie néanmoins)
c’est ce rythme que je mets par écrit
comme une vieille fille obsessionnelle
rivée sur son almanach
note son horaire de lever et de coucher.
dimanche 3 mars 2024
Chaque amour chaque perte
Chaque amour chaque perte
informe sur le monde bien au contraire
(sa profondeur sympathique, sa dureté, sa réalité,
capacité de variation et de génération que rien n’enraye
- ni plus de guerre ni plus de paix - :
mort et prolifération concomitantes
inextricablement liées)
on ne peut décrire l’amour ni la douleur
mais enregistrer les battements de ce
cœur de monde incoercible, oui.
samedi 2 mars 2024
J’ai un, deux, cinq
J’ai un, deux, cinq
de ces chats
qui enorgueillissent mes mains
rehaussées (ravivées) par le souvenir de leur chaleur
ils sont ma seconde augmentée,
précisément celle que réalise mon geste :
réalisation de ma misère d’amours - versus
quête de ces amours.
Toute perte néanmoins ouvreuse de territoires inconnus,
les voici mes chers amours restitués à moi-même par moi-même
comme doucement révélés en un tombeau
tenace (rythmiquement tenace)
jusqu’à
(jusqu’à) rien
(admettre)
vendredi 1 mars 2024
Je vis avec
Je vis avec ce chat fantôme
je respire,
je parle des paroles vocatives
je marche, je rêve.
Je tutoie le doux regard en cherchant
l’adresse introuvable. Aucun corps n’est requis
pour cajoler cet amour (ses puces fantômes mêmes me rassérènent).
jeudi 29 février 2024
J’ai un chat fantôme
J’ai un chat fantôme
dont je ressens, comme pour un membre,
la sensation de présence, chaude
et douloureuse.
Aujourd’hui pour la première fois
j’ai parlé de lui au passé.
Doux regard dans un visage invisible.
mercredi 28 février 2024
La musique de la constance
La musique de la constance
même si celle-ci s’apparente à une roue
dont la jante sans bandage
plutôt qu’un rail - l’invariable ligne de frise
de l’histoire -
écrase et libère presque simultanément le monde et l’herbe qu’elle emprunte,
ce massacre permanent dont renaissent tous les espoirs,
(toutes les illusions aussi).
Effondrement et ruine, voilà ce que nous ne cessons de contempler
et (malgré tout) reconnaissants pour notre bonheur nous continuons,
nous rêvons de renaissance (vernale).
Je regarde la feuille d’herbe relever, la tête
ou l’extrémité apicale (comment dire), relever et pousser
verdir la pensée, viride (et virulemment quelquefois),
je regarde la pensée trouver des raisons de reverdir
avec la feuille d’herbe,
de croître avec la lumière
(même si cette clarté douloureuse nous blesse
de toutes les évidences qui touchent au monde, la réalité)
embrasser (caresser) (à défaut de mon chat)
cette invincible idée de résilience (dépassement de l’évidence)
(jusqu’à cette façon de minimiser ma tragédie).
Me redressant (moi aussi),
de mon observation je tire l’enseignement suivant :
en permanence nous mourons.
Mais permettons-nous de mourir
(à l’instar des êtres ténus)
sans aucune et pour aucune cause
(cause) : d’inconsistance simplement.
mardi 27 février 2024
Comme lui je vois le monde, comme une fleur
Comme lui je vois le monde, comme une fleur,
(nous voyons le monde comme une fleur)
au bord du jardin saturé de l’hiver de sa présence
(comment dire autrement) à hauteur de feuille d’herbe
le monde est plus diversifié, divers et consonantique,
lui y tenait son rôle devant la galerie non dissimulée du campagnol de champs
comme le vent devant la perce-neige.
C’est là la musique d’un massacre constant.
lundi 26 février 2024
Il vaudrait mieux sans doute raconter quelque chose
Il vaudrait mieux sans doute raconter quelque chose
mais je m’en tiendrai à ce fait.
Est porté disparu celui qu’on ne voit plus,
celui dont la défection ne fait aucun doute.
Il était partout où portait notre regard
ses yeux nous suivaient comme le chien en pensée,
notre pensée imprégnée
de la preuve continuelle de sa présence.
Son absence est-il notre défaut d’imagination ?
Mais que dire de tous ceux que nous ne voyons pas ? Jamais ?
Comment dire ?
N’est-ce pas moi qui me serais perdue ?